OUEST FRANCE - 06/10/2024
C’est quoi ces boîtes aux lettres papillons qui ont permis à une enfant de dénoncer son violeur ?
Le 23 septembre dernier un grand-père a été condamné à 12 ans de prison pour des agressions sexuelles et des viols commis sur trois de ses petites-filles. Pour le dénoncer, l’une d’entre elles, Lily, a utilisé une boîte aux lettres papillons. Un dispositif à portée d’enfants pour qu’ils osent dire les violences.
Chloé RÉBILLARD.
Publié le 06/10/2024 à 08h30

Quand une boîte aux lettres est installée dans son école un vendredi de juin 2022, Lily, 10 ans à l’époque, n’attend pas d’avoir l’atelier explicatif. Elle glisse sur un bout de papier sa souffrance avec ses mots d’enfant : « il me toucher la parti du bas et la parti du haut et aussi il métait sa parti du bas dans ma parti du bas et moi j’ai essayé de menlever mai il voulait pas. »
Le jour même, l’association les Papillons envoie un signalement au procureur. L’enfant est auditionnée le mardi suivant, ainsi que sa famille. Deux de ses cousines révèlent qu’elles sont victimes des mêmes faits de la part du même agresseur : leur grand-père.
Il est interpellé le mercredi et incarcéré en détention provisoire. Ce 23 septembre, plus de deux ans après la dénonciation des faits, il a été condamné à 12 ans de prison par le tribunal de Bourg-en-Bresse (Ain).
Un dispositif à portée d’enfant
Cette histoire est un cas d’école pour l’association les Papillons qui met en place les boîtes aux lettres du même nom depuis 2020. Il y en a actuellement 350 en France.
Leur principe est simple : installées au sein des établissements scolaires et autres clubs sportifs, elles sont des réceptacles pour que les enfants puissent écrire les maux qui les assaillent, en toute discrétion.
Laurent Boyet, président et fondateur de l’association, explique : « Lorsqu’une boîte est installée dans une école, une personne référente est nommée, souvent un policier municipal ou un agent de la municipalité. Et nous organisons un atelier pour expliquer le principe aux enfants. »
La boîte est ensuite relevée deux fois par semaine par le référent. Dans tous les cas, quels que soient les faits décrits, une suite est donnée. Soit un signalement au procureur, dans les cas les plus graves qui demandent une réaction immédiate, soit un signalement auprès des instances chargées de la protection de l’enfance.
Cela peut aussi être un simple rendez-vous avec l’enfant si les faits dénoncés ne paraissent pas si graves, « mais il est important de dire à l’enfant qu’on a bien lu son mot pour qu’il sache qu’il peut se confier au dispositif et qu’il repère un adulte de confiance », assure Laurent Boyet.
En France, un sondage Ipsos de 2020 révélait qu’ un Français sur dix déclare avoir été victime d’inceste, soit 6,7 millions de personnes. Dans une classe de trente élèves, cela représente trois enfants concernés.
Quand une boîte aux lettres est installée dans son école un vendredi de juin 2022, Lily, 10 ans à l’époque, n’attend pas d’avoir l’atelier explicatif. Elle glisse sur un bout de papier sa souffrance avec ses mots d’enfant : « il me toucher la parti du bas et la parti du haut et aussi il métait sa parti du bas dans ma parti du bas et moi j’ai essayé de menlever mai il voulait pas. »
Le jour même, l’association les Papillons envoie un signalement au procureur. L’enfant est auditionnée le mardi suivant, ainsi que sa famille. Deux de ses cousines révèlent qu’elles sont victimes des mêmes faits de la part du même agresseur : leur grand-père.
Il est interpellé le mercredi et incarcéré en détention provisoire. Ce 23 septembre, plus de deux ans après la dénonciation des faits, il a été condamné à 12 ans de prison par le tribunal de Bourg-en-Bresse (Ain).
350 boîtes aux lettres Papillons ont été installées en France, majoritairement dans des établissements scolaires, ou dans des clubs sportifs.
« Sortir de la chrysalide »
Le passage par l’écrit simplifie la prise de parole pour les petites victimes, assure Laurent Boyet qui a lui-même subi un inceste de la part de son frère entre ses 6 et ses 9 ans. « Dire ou s’entendre dire peut être très douloureux. Écrire c’est différent. »
Lors des ateliers de présentation, le ton est adapté à la tranche d’âge du public qu’il a en face, des enfants de primaire. « En accord avec l’expérience de nos psychologues, on essaye de ne pas trop nommer les choses. On est plutôt dans la représentation visuelle avec un personnage qui convient aux enfants de cet âge : Léon le Papillon. »
Rappeler la notion de consentement, montrer sur des dessins les zones du corps que personne ne peut toucher sans que l’enfant ne donne son accord… « Les enfants comprennent que ce n’est pas un jeu, ils posent beaucoup de questions et le prennent vraiment au sérieux », constate Laurent Boyet.
Il n’a pas choisi la figure du papillon au hasard : « Quand on est victime, on est prisonnier, comme dans une chrysalide. L’objectif de ces boîtes est de les faire devenir papillons. »
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Les situations que l’association constate via les mots laissés dans les boîtes sont à 50 % du harcèlement scolaire, à 20 % des violences physiques et à 13 % des violences sexuelles. Viennent ensuite des violences psychologiques, des violences conjugales auxquels assistent les enfants ou des insultes par exemple racistes. Parmi les 6 000 mots reçus chaque année, Laurent Boyet ne sait pas combien de Lily ont été sauvées grâce aux boîtes aux lettres. Mais l’histoire a montré que ce principe fonctionnait.