Parce qu'il y a un "avant" et un "après"...
Quand on est des parents "normaux", notre devoir, c'est de protéger nos enfants. Vous aurez noté que j'ai mis cette notion entre guillemets car elle est toujours assez difficile à définir. Être normal...chacun a sa propre définition de la normalité.
Être normal, quand on est parent, c'est un amour inconditionnel, c'est vouloir leur donner le meilleur. Vouloir le meilleur et, les protéger donc. Alors, lorsque nos enfants osent briser les silences et les hontes, lorsqu'ils nous disent qu'ils sont ou ont été victimes d'une maltraitance, on se sent désemparé. On s'en veut d'avoir failli à notre mission. L'instant d'après, c'est comme si tout s'effondrait. On s'en veut de ne pas avoir su, de ne pas avoir pu empêcher le mal qu'on leur a fait.
C'est souvent ce que veulent dire nos premiers mots, les fameux "c'est pas possible", les "c'est pas vrai !" qu'on lâche parce qu'on tombe de trop haut. Attention à ces premiers mots. Vous les dites dans un sens précis. Mais en face, votre enfant va les entendre complètement autrement. Pour vous, le "c'est pas vrai" voudra dire "comment j'ai pu rater ça". Pour votre enfant, il résonnera comme un "je ne te crois pas".
L'instant d'après, les premiers mots, les premières attitudes sont capitales pour la personne qui vient de se libérer. Ça l'est encore plus si c'est un enfant. Ne vous culpabilisez pas. L'enfant lui aussi veut vous protéger et plus que tout, il a peur. Peur de votre réaction. Peur de vous perdre. Peur d'être abandonné. Et n'oubliez jamais que la victime, c'est lui. Pas vous.
Il a besoin de se sentir rassuré. Il a besoin de sentir qu'il n'a rien fait de mal, et surtout que vous êtes là et que vous le croyez. Vous n'avez rien vu. Vous n'avez pas perçu. Ça ne fait pas de vous des mauvais parents. C'est juste que l'emprise de l'agresseur de votre enfant était tellement puissante qu'elle a tout faussé. Maintenant que vous savez, à vous de jouer votre rôle. A vous d'être présent et d'accompagner votre enfant.
Laissez le aller à son rythme. Il vous dira les choses au fur et à mesure qu'il reprendra confiance en lui et qu'il saura que, quoiqu'il arrive, quoique son agresseur aura pu lui dire, vous êtes et serez toujours là. Parler avec lui quand il est enclin à le faire. Et pour autant, ne faites pas comme s'il ne vous avait rien dit. L'équilibre est précaire.
Mais vous saurez marcher sur ce fil ténu. Parce que vous êtes ses parents et que votre main dans la sienne lui donnera plus de force que n'importe quelle autre.
L'amour est une forteresse. C'est grâce à lui, grâce à vous, que votre enfant fera face à cet instant d'après.
Interview de Marianne Sanchez, psychologue, Unité Médico-Judiciaire, AP-HP, Paris réalisée par le Centre de Victimologie pour Mineurs (CVM)
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