L'instant d'après, on est comme un champs de ruine. On est comme laissé pour mort sur le champs d'une bataille qu'on a perdu. Nos agresseurs ont tout emporté, tout brisé en des milliers de morceaux.
On essaye de reconstruire. On essaye de recoller les morceaux de nos âmes, de nos chairs meurtries mais il manque toujours une pièce au puzzle. C'est ça, nous sommes des puzzles incomplets. Mais on nous demande de tenir debout malgré ces manques. Et c'est compliqué.

Lorsqu'on a été victime de violences sexuelles, il y a quelque chose qui nous est par dessus tout compliqué, c'est aimer. On a du mal à s'aimer soi-même alors comment pourrait-on aimer une autre personne. L'autre, il nous a fait du mal. Aimer c'est faire confiance mais comment faire confiance à nouveau. Est-ce que l'autre va pouvoir accepter nos failles, nos blessures ? Et puis, aimer, forcément à un moment, c'est se donner à l'autre. Le contact des corps, ce sexe qui nous a fait tellement de mal. Cette idée nous bloque. Elle nous tétanise. Je le sais car j'ai eu moi aussi ces peurs. Peur de ne pas pouvoir aimer. Peur de ne pas trouver la personne qui allait accepter celui que je suis, avec mes moments de silence et mes euphories. Peur de faire l'amour. Peur de mon propre sexe. Comment pouvait il donner du plaisir alors qu'il avait failli me détruire ? Ce qui nous est arrivé n'est pas la norme. A un moment, il faut accepter de sortir de sa solitude et ne pas se fermer au bonheur. On y a droit, comme les autres. Nous ne devons pas tout faire pour nous en priver. Il y a une personne qui nous attend, quelque part. Il ne faut pas se priver d'avoir la chance de la trouver. Et lorsqu'on la croise, lorsqu'on la reconnaît, il faut lui dire tout ce qui nous encombre, pour ne pas la laisser avec ses propres incompréhensions. On ne peut pas s'en sortir tout seul. Et quand il y a vraiment l'amour, alors l'autre peut comprendre. Le silence, nous savons le mal qu'il fait. Nous devons faire confiance en celles et ceux qui nous accompagnent malgré tout et souvent malgré nous. Faire l'amour ne fait pas mal. Ce que nous avons vécu dans nos enfances, ce sont des violences, des agressions, des viols. Ça n'est pas de l'amour. Oui, il y a ces instants d'après. On aurait voulu s'en passer mais c'est comme ça. Mais, on peut vivre après. On doit vivre. Sinon, nos agresseurs auront vraiment gagné.
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