top of page

L'éducation positive

Dans un précédent article abordant la question des Violences Éducatives Ordinaires, nous avions évoqué la question de l’éducation positive en tant que fonctionnement tenant davantage compte des besoins de l’enfant dans un modèle éducatif.


Ici, nous nous proposons d’approfondir le sujet de ce que recouvre l’éducation positive en termes d’actions, de positionnement parental (ou toute personne dans une démarche éducative auprès d’un enfant) et d’ajustement.


Nous entendons depuis quelques années ce terme d’éducation positive ou bienveillante, ce qui a tendance à nous faire penser que c’est un modèle éducatif récent. Pour certains, il vient répondre à des lubies qui s’opposeraient à ce qui relève des temps anciens.


Éducation bienveillante

Toutefois, il est intéressant de se pencher sur la littérature et les recherches du début du XXème siècle pour s’apercevoir que l’éducation positive faisait déjà l’objet de travaux et alimentait des recherches sur l’éducation des enfants.


Son origine

Alfred ADLER, neurologue et psychologue autrichien, collaborateur de Freud au départ, a développé la théorie de la psychologie individuelle dès 1907. Selon son école, en plus des processus internes, il est nécessaire de prendre en compte les facteurs externes dès la naissance pour pouvoir comprendre une personne. Autrement dit, l’environnement de l’individu, dès le plus jeune âge et les expériences de l’enfance auxquelles il est confronté, a un impact sur son devenir et la manière dont il va se construire et se percevoir. Il défend ainsi l’importance du sentiment d’appartenance et de valorisation.


Rudolf DREIKURS, psychiatre et enseignant autrichien a collaboré avec Alfred ADLER. Il développe l’étude des comportements des enfants vulnérables socialement de son époque. Ainsi, il est à l’origine de l’éducation positive et de la responsabilisation des enfants en leur permettant de prendre conscience de leurs comportements.


Tous deux développent l’idée selon laquelle les encouragements participent fortement à l’amélioration des comportements et des relations entre les individus.


La plus connue des personnes ayant travaillé sur cette question et considérée comme étant une des pionnières de l’éducation positive est bien entendu Maria MONTESSORI. Première femme médecin en Italie, elle commence à créer la méthode qui porte son nom dès 1906 et rapidement crée de nombreuses « Maisons d’enfants », qui deviendront ensuite les écoles Montessori.


Dans chaque situation qui jalonne l’existence d’un enfant dont celle d’apprentissage, son épanouissement est au centre de l’approche proposée. L’adulte, qui est un accompagnant, doit encourager l’enfant afin de gagner davantage d’autonomie et de permettre la réflexion sur ses actions à l’enfant.


Plus tard, en France, Françoise DOLTO ajoute une dimension communicatrice en soulignant

l’importance de verbaliser les expériences et les émotions des enfants. Selon elle, dès la naissance, le nourrisson a besoin d’être considéré comme un être communicant, en capacité de comprendre les intentions et les émotions des autres. Ainsi, il est important de considérer le nourrisson comme un individu à part entière doté d’intelligence et de capacités de compréhension, notamment dans son environnement.


Les principes de l’éducation positive

Dans le prolongement des travaux initiés par Maria Montessori, les spécialistes suivants se sont recentrés sur l’épanouissement de l’enfant tout au long des apprentissages auxquels il est soumis durant son développement afin d’expliquer les principes de l’éducation positive.


Ainsi, la bienveillance, l’empathie et l’accompagnement plutôt que la soumission à un ordre, la culpabilisation et le système de punition sont mis en avant, tout en élaborant un cadre repérant mettant en avant des limites.


L’éducation positive s’appuie donc sur des notions indispensables à la mise en place de cette relation coopérative entre l’enfant qui apprend et l’adulte qui accompagne les apprentissages.


L’empathie

Par ce terme qui se définit comme étant la capacité de reconnaître et de comprendre les sentiments et émotions de l’Autre, l’adulte peut verbaliser sa compréhension de ce que vit l’enfant. Se mettre à la place de l’Autre permet d’expérimenter ce qu’il vit et ce qu’il ressent.


Il est important en tant qu’adulte responsable de l’éducation de son enfant de pouvoir exprimer ses émotions, pour que l’enfant puisse les identifier. De la même manière, il est important d’inviter son enfant à exprimer les siennes, pour une compréhension de ce qu’il ressent, mais aussi pour lui permettre de les comprendre et de les gérer au mieux au fil du temps.


Le but pour le parent (ou l’éducateur) n’est pas d’éprouver de l’empathie au point de développer un sentiment de culpabilité notamment quand il fixe des limites et un cadre à l’enfant. Il n’est pas rare que ce dernier ressente un sentiment d’injustice et il peut réellement, mal vivre le fait que lui soit imposé des règles, qu’il n’accepte pas ou qu’il ne comprend pas. Toutefois, ce sont des aspects éducatifs primordiaux et sur lesquels nous, adultes, ne pouvons faire l’impasse.


Ils constituent des repères rassurants et permanents essentiels pour favoriser le développement harmonieux de l’enfant.


Faire preuve de fermeté lorsque la situation s’y prête, en cas de mise en danger de l’enfant par exemple, ne signifie pas qu’il faille être dans le reproche de son attitude à l’enfant, mais cela ne signifie pas non plus qu’il ne soit pas nécessaire de reprendre son comportement.


Dans ces moments, l’enfant peut éprouver des sentiments négatifs à son égard et adopter une attitude qui vient heurter la sensibilité du parent. Pour autant, il est nécessaire de verbaliser autour du comportement de l’enfant tout en assurant le cadre fixé, qui s’avère rassurant dans ces conditions également.


Le respect mutuel

Le respect mutuel est une notion qui exige de percevoir l’Autre, face à soi comme étant sujet à des émotions et ressentis différents des nôtres et de pouvoir en tenir compte dans son appréciation.


Ainsi, dans la relation parent (éducateur) /enfant, il est important de tenir compte de la place de chacun et d’accepter que l’Autre puisse être différent de ce que nous sommes et ressentir des choses différentes. Cela doit pouvoir s’établir de manière réciproque et implique donc que ce soit initier par l’adulte. En effet, ce dernier a davantage d’expériences dans les relations interpersonnelles et va permettre à l’enfant de s’approprier ce modèle relationnel et de l’appliquer petit à petit.


Dans l’éducation positive, l’adulte doit être en mesure de tenir compte des émotions et des besoins de l’enfant, qui peuvent être divergent de ses propres attendus, tout en maintenant les limites et les règles qu’il établit. Il est donc indispensable de verbaliser les choses, nos émotions d’adulte, mais aussi ce que nous percevons du vécu de l’enfant, afin de lui signifier notre compréhension de la situation qu’il vit. Pour autant, comprendre ne veut pas dire concéder à toutes ses demandes, mais cela permet un établissement d’une relation de confiance entre l’adulte et l’enfant et un renforcement de l’estime de soi chez l’enfant.


L’écoute

Il n’est pas rare qu’un adulte dise à son enfant « je t’écoute » tout en continuant à vaquer à son occupation, sans parler de la navigation sur son smartphone… Dans l’éducation positive, il est important de prêter une écoute active à l’enfant, c’est-à-dire de lui donner une attention entière lorsque l’enfant vient vous solliciter. Il n’est pas question de lâcher tout ce que nous faisons à tous moments de la journée sur une simple sollicitation, mais de savoir détecter lorsque le moment nécessite d’être totalement disponible à l’enfant. Vous pouvez lui dire « je termine ce que je fais j’en ai pour 2 minutes » (qui ne se transforme pas en 20 minutes) et à ce moment-là être présent réellement et entièrement pour votre enfant.


Permettre cette écoute permet de mieux comprendre la situation et d’identifier précisément les émotions et les besoins de l’enfant, et ainsi, d’y répondre de manière constructive et permettre un apaisement.


Pour l’enfant à qui on accorde ce temps d’écoute active, qui ne nécessite pas de grands discours, cela vient renforcer son sentiment de sécurité et celui d’être pris en considération, donc de valeur.


Les encouragements

Comme nous l’avons évoqué, les encouragements sont un des engagements les plus importants à adopter dans la relation à un enfant (cf. Dreikurs).


Encourager son enfant met en avant ses actions constructives et les efforts qu’il fournit pour arriver au but qu’il se fixe. Ainsi, il y a un double bénéfice : pour l’enfant et c’est bien là le fondement de ce que nous mettons en place dans la relation avec lui en tant qu’adulte, mais également un bénéfice pour nous. Lorsque l’attention est portée sur le fait d’encourager un comportement ou une action, nous sommes moins focalisés sur ceux qui sont négatifs, ce qui a un impact positif pour l’enfant, mais aussi pour l’adulte.


Les encouragements nous permettent de nous concentrer sur les comportements positifs de l’enfant et constructifs, c’est aussi une reconnaissance de la part de l’adulte des efforts fournis et des qualités de l’enfant. Cela permet à l’enfant un renforcement de l’estime de soi, ce qui lui permettra peu à peu de mieux supporter les frustrations et les déceptions auxquelles il sera confronté.


Adopter ce fonctionnement permet à l’enfant de réduire les comportements négatifs ou indésirables.


L’enfant comprend qu’il peut faire l’objet d’une attention particulière de l’adulte en adoptant des comportement positif, et peu à peu, de lui-même, il ne cherchera plus à attirer l’attention de ce dernier d’une autre manière. Toutefois, il est important de concevoir que l’enfant est un être en devenir, en apprentissage, ce que nous reconnaissons comme étant des « bêtises » peut persister, car c’est bien en faisant des erreurs que l’individu apprend.


D’autre part, il est important de distinguer les encouragements et les récompenses. Les deux n’ont pas la même valeur et n’ont pas les mêmes conséquences dans le sens que l’enfant donne à chacun.


Les encouragements sont perçus comme une réelle reconnaissance des efforts fournis pour parvenir aux attendus alors que les récompenses peuvent être perçues comme une tentative de manipulation de l’enfant, « si tu fais comme ça, tu auras cela. »


Le but étant que l’enfant s’approprie les règles et les apprentissages que nous leur transmettons et pour cela, il est nécessaire qu’il puisse y mettre du sens. Les encouragements le valorisent et renforcent son sentiment d’agir pour quelque chose qui est bon pour lui. De plus, ils renforcent son sentiment d’appartenance à un groupe, à un système. IL n’est donc pas isolé.


Attention, comme tout parent (ou éducateur), même lorsque nous nous inscrivons dans l’éducation positive, nous avons la possibilité de récompenser nos enfants. L’enjeu est que cela ne soit pas une condition pour que l’enfant adopte les comportements que nous voulons lui prêter, mais bien pour lui faire plaisir. Ce dernier point recouvre également une dimension de satisfaction pour l’adulte : faire plaisir à l’enfant est rassurant et satisfaisant pour l’adulte qui l’accompagne.


En pratique, ça donne quoi l’éducation positive ?


Le soir, en revenant d’une journée d’école, votre enfant de 6 ans entre dans une grosse colère et refuse d’aller à la douche. Sachant que vous-même, vous rentrez d’une journée de travail fatigante et quelques fois éprouvante, vous pouvez également ne pas être de très bonne humeur, ou en tout cas avoir un seuil de patience limité. Ainsi, vous pourriez adopter un type de comportement semblable à celui de votre enfant, vous mettre en colère, crier, punir et avoir des propos négatifs. Ce type de retour peut vous permettre de vous délester du poids d’une mauvaise journée au travail, mais cela risque de prendre davantage de temps, d’apporter de la frustration à tous et de vous épuiser davantage.


Bien que l’attitude de votre enfant puisse vous exaspérer à ce moment-là : vous n’en aviez vraiment pas besoin ce soir, vous êtes épuisé, il reste le repas à faire, le repassage et éventuellement, vous espériez 10 minutes pour vous, mais ce petit être vit des émotions qu’il ne maîtrise pas et a besoin de les exprimer et que vous l’aidiez à les comprendre et à les apaiser. Ne partez pas du principe, qu’il en a décidé autrement, un enfant ne décide pas de se sentir mal et de ne pas gérer ses émotions !


Alors prenez une grande respiration, acceptez de différer tous vos projet de quelques minutes, mettez vous à sa hauteur et parlez lui calmement : « Ta journée a été longue ? Tu dois peut-être être fatigué ? Il s’est passé quelque chose de particulier dont tu voudrais que nous parlions ? Tu as peut-être besoin d’un câlin qui pourrait te réconforter et te donner de la force ? »


Vous êtes son tuteur, son accompagnateur qui sait, lui, il est en apprentissage, ce sont des moments où il a besoin de vous pour apprendre et notamment apprendre à gérer ses émotions, tant il ne peut y mettre du sens seul et qu’il s’en trouve submergé.


Votre rôle de parent sera toujours de rassurer votre enfant et de lui permettre de se calmer, mais vous pouvez également lui expliquer que vous le comprenez parce que vous aussi votre journée vous a épuisé, « ton copain t’a embêté ? Je comprends que tu sois agacé, à ta place moi aussi je serais fâchée, d’ailleurs loi aussi il y a quelque chose qui c’est passé aujourd’hui au travail qui m’a agacé (…). Je sais ce que tu ressens, moi quand ça m’arrive je fais comme ça… » . Se mettre à la portée de l’enfant lui permet de comprendre que même les adultes peuvent vivre des émotions négatives, mais qu’ils ont développé des compétences pour pouvoir les gérer différemment.


L’enfant comprend petit à petit, qu’il peut compter sur vous en toutes circonstances, que vous êtes en capacité d’être constant dans vos réactions malgré ce que vous pouvez vivre par ailleurs. Il est important de garder en tête que les enfants agissent en miroir et reproduisent les comportements qu’ils voient.


Pour finir

Il s’agit de bien distinguer les responsabilités des uns et des autres dans l’éducation que l’on

souhaite donner aux enfants. Nous ne pouvons pas, en tant qu’adulte, mettre la responsabilité de la manière dont le quotidien se passe sur les épaules d’un enfant qui, teste le cadre, tente de satisfaire ses désirs qu’il perçoit comme des besoins.


En tant que parent (ou éducateur), il ne faut pas fuir nos responsabilités et culpabiliser l’enfant qui se construit. Cela ne veut pas dire qu’il faille se flageller et culpabiliser de ne pas être parfait. Qui peut prétendre l’être ? Et qu’est-ce que cela signifie quand il s’agit d’éduquer un enfant ?


Tout comme il est important de faire confiance aux enfants et de se montrer tolérant envers eux, il est indispensable d’éprouver ces sentiments envers soi-même, surtout lorsque nous avons la responsabilité d’éduquer un être en devenir.


La bienveillance et l’empathie qui sont propulsées sur la scène publique à tout-va pour défendre toutes sortes de positionnements, sont des concepts qui, de fait, peuvent perdre de leur sens aux yeux des personnes. En effet, c’est devenu ringard de défendre le fait d’adopter une posture empathique et bienveillante. Pourtant, elle est indispensable dans bien des domaines, dont celui de l’éducation.


D’autre part, il faut penser les valeurs et les limites qu’il nous importe de transmettre, pour permettre un avenir satisfaisant, au sein de nos sociétés, à l’enfant qui dépend de nous.


Apprendre dans de bonnes conditions, en se sentant aimé, respecté et valorisé encourage l’enfant à agir et à entrer en relation de manière sereine, confiante et constructive.


Cette vision de l’éducation, ne fait pas de l’enfant un enfant tyrannique qui va imposer son rythme et ses envies à la cellule qui éduque (familiale, scolaire, …). L’éducation positive propose un cadre éducatif avec des règles, donnant une place à chaque individu, enfant et adulte, qui est pris en compte dans sa subjectivité de manière réciproque et bienveillante.


Finalement, l’éducation positive repose sur le fait de concevoir son rôle de parent et/ou d’éducateur comme quelque chose de positif, de constructif, qui peut s’envisager autrement que comme une entreprise complexe, difficile, voire ingrate pour certains.

Comentários

Avaliado com 0 de 5 estrelas.
Ainda sem avaliações

Adicione uma avaliação
bottom of page