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LE PASSAGE À L’ACTE SUICIDAIRE

Une problématique majeure actuelle de santé publique…


« Malgré les progrès réalisés, on compte toujours un décès par suicide toutes les 40 secondes », Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général de l’OMS.


Au premier semestre 2021, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) publie une nouvelle étude, qui vient alerter sur une progression des troubles anxio-dépressifs chez les 3-17 ans.


En effet, entre mars 2020 et juillet 2021 – soit les 15 mois suivants le premier confinement – environ 1 enfant sur 8 a consulté un professionnel de santé pour motif psychologique alors qu’avant cette période les chiffres étaient bien inférieurs : 7 % pour les garçons et 6 % pour les filles.


La détérioration de la santé mentale des jeunes s’est également révélée par le nombre de passages aux urgences pour gestes suicidaires. En effet, en novembre 2021, le nombre de passages hebdomadaires aux urgences pour geste suicidaire chez les adolescents (11-17 ans) était presque deux fois plus élevé qu’avant la période pandémique.


Les travaux scientifiques viennent témoigner de la majoration des taux de symptômes anxieux et dépressifs dès le début de la crise sanitaire, avec des pics pendant les épisodes de confinement.


Ils précisent que ces évolutions ont accentué des tendances préexistantes à la crise sanitaire. La pandémie de Covid-19 aurait alors joué un rôle d’accentuation et de révélateur des vulnérabilités psychologiques dans la population.


En 2014, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) publie un rapport qui fait état des causes de mortalité chez les jeunes âgés de 15 à 30 ans : le suicide y est inscrit comme la 2ème cause de mortalité.


En 2023, le suicide devient la 1ère cause de décès chez les 15-30 ans ! Dépassant alors le taux de mortalité dû aux cancers et aux accidents de la route.


Mythes et idées reçues sur le suicide



Nous souhaitons, en vous apportant des réponses claires et précises, déconstruire certaines représentations sur le passage à l’acte suicidaire afin que ce comportement soit mieux appréhendé, compris et qu’une vigilance adaptée puisse y être apportée.



ACTE SUICIDAIRE


« Le suicide est un geste imprévisible, les personnes qui veulent se suicider ne donnent pas d’indication avant de passer à l’acte. »

FAUX.


8 personnes sur 10 donnent des indications qu’elles veulent se suicider. Les pensées suicidaires sont exprimées : par des mots, des signes et/ou des comportements particuliers.


« Les personnes qui se suicident le font par choix. »

FAUX.


Lorsqu’une personne vit un événement difficile, elle développe des mécanismes d’adaptation et des mécanismes de résolution de crises. Les stratégies les plus couramment mises en places sont : la tentative de discussion avec un ou plusieurs membre(s) de la famille, un ami, le médecin traitant ou tout autre professionnel de l’entourage, mais aussi s’éloigner un moment de son lieu de vie par des voyages, ou encore pratiquer une activité physique ou artistique pour évacuer certaines tensions, etc. Malheureusement ces stratégies peuvent se solder par des échecs et la souffrance peut, par conséquent, perdurer voire s’accentuer. Plus la personne va vivre des échecs dans les solutions qu’elle aura mis en place, plus elle va se replier sur des solutions inadaptées (par exemple : prise de toxiques, tentative(s) de suicide). À ce moment-là, le suicide n’est plus un choix, c’est un manque de choix.


« Les personnes qui se suicident sont bien décidées à mourir. »

FAUX.


Les personnes ne recherchent pas nécessairement la mort mais plutôt la fin d’une souffrance. Le suicide devient "LA" dernière solution pour faire cesser cette souffrance insupportable.


« Le suicide est héréditaire. »

FAUX.


Aucune recherche scientifique n’a démontré une transmission génétique sur ce comportement. Néanmoins, on peut parler de transmission familiale ou d’héritage familial car le suicide se présente non pas comme un comportement inné et transmis par la génétique, mais plutôt comme un comportement acquis et véhiculé par l’environnement. Les tentatives de suicide, ou les suicides, lorsqu’ils sont commis par des proches peuvent apparaître comme un modèle de résolution de crise.


« Parler du suicide à une personne peut lui donner l’idée de passer à l’acte. »

FAUX.


Il est très important d’en parler car parler du suicide c’est :

• Reconnaître la souffrance de la personne,

• Ouvrir la porte à un dialogue,

• Favoriser l’expression de la souffrance,

• Diminuer l’angoisse et la surcharge émotionnelle. L’intervention agit ainsi comme facteur de protection.


Quelques chiffres clés …

Les données mentionnées concernent la FRANCE.


TENTATIVES DE SUICIDE :


1 tentative de suicide toutes les 3 minutes.


Chez les adolescents et jeunes adultes qui sont accueillis aux urgences pour une tentative de suicide :


• 3/4 d’entre eux déclarent n’avoir jamais été hospitalisés auparavant (pour des idées noires), ni avoir consulté de médecin.

• 1/3 n’ont pas eu l’occasion d’en parler à une personne de leur entourage.


Statistiques portant sur les lieux où les tentatives de suicides sont réalisées :

Statistiques portant sur les lieux où les tentatives de suicides
Statistiques

RÉCIDIVES SUICIDAIRES :


1 personne sur 3 va récidiver dans les semaines ou les mois qui vont suivre.

Chez les 15-24 ans, le ratio est encore plus important, le pourcentage de personnes récidivant est de 44 %.


SUICIDES ABOUTIS :


1 suicide toutes les heures (Source INSERM, 2016)


Les modes opératoires sont les suivants :


• Pendaison et arme à feu pour les garçons.

• Pendaison et intoxication médicamenteuse pour les filles.


La conception de la mort et du suicide chez l’enfant :


« L'idée du suicide est si peu compatible avec celle de l'enfance, qu'on se résigne difficilement à voir, dans leur rapprochement, autre chose qu'une monstrueuse exception. »

M. DURAND-FARDEL (1855)



Âge*

Représentation de la mort chez l'enfant

Avant 3 ans

L’enfant ne comprend pas la mort d’un point de vue intellectuel ; il n’en a pas conscience, néanmoins il la ressent. Pour les enfants de cet âge, la mort serait perçue comme une situation équivalente à une séparation / une absence prolongée (les sens tels que la vue, le toucher ou encore l’odorat ne permettent plus de percevoir la personne décédée autour de soi).

3-6 ans

La mort commence à être intellectualisée et repérée par l’enfant. Cependant ses caractéristiques ne sont pas celles que nous connaissons à l’âge adulte : à cet âge, la mort est comprise comme un état provisoire et réversible. Elle se représente par l’immobilité de l’être décédé. La mort peut aussi être perçue comme un état contagieux à l’instar de certaines maladies.

Entre 2 et 6 ans, le système de pensée qui régit le fonctionnement mental de l’enfant est nommé « pensée magique » ; à cet âge l’enfant est égocentrique et dans une forme de toute-puissance, il pense que ses pensées ont une influence directe sur le monde et que les événements se produisant sont donc de son fait. C’est pourquoi une culpabilité écrasante peut peser sur les enfants qui dans ce jeune âge ont perdu leur(s) parent(s), se sentant responsable de cette disparition (exemple de discours que l’on peut entendre : « Je me suis disputé(e) avec maman hier soir, c’est à cause de moi si elle est morte ! »).

Cette toute-puissance explique également que l’enfant n’a pas conscience que la mort peut l’atteindre également.

L’enfant est conscient du bouleversement entraîné par la mort sur la dynamique familiale. Les tensions, le climat d’anxiété et d’étrangeté qui y règnent peuvent générer chez lui un stress important.

6-9 ans

La mort se conceptualise d’avantage, elle dépasse la perte affective ressentie et prend une forme plus concrète et personnifiée : un squelette ou un fantôme, par exemple.

L’enfant prend conscience que la mort est une séparation définitive : apparition de la caractéristique d’irréversibilité.

Il prend conscience que la vie a un début avec la naissance et une fin avec la mort ; il commence à appréhender la mort comme un processus naturel.

8-12 ans

L’enfant accède progressivement à la pensée abstraite. Il peut ainsi avoir des réflexions qui portent sur l’existence, le sens de la vie et ce qu’il y a après la mort. C’est la prise de conscience de la notion d’inconnu après la mort qui confère à la mort sa charge anxieuse et mystérieuse.

L’enfant perçoit donc l’irrévocabilité de la mort puis son universalité (la mort ne touche pas que les autres : émergence du sentiment de sa propre finitude).

Vers 9-10 ans, l’enfant atteint une conception de la mort qui est proche de celle des adultes.

* La maturité du concept de mort est liée au développement cognitif et affectif de l'enfant (qui évolue en lien direct avec l’environnement) plutôt qu’à l’âge chronologique (le tableau donné l’est en tant que référence mais peut varier).


Intellectuellement l’enfant conceptualise la mort en intégrant progressivement plusieurs notions : l’irréversibilité, l’universalité, la mortalité personnelle, la causalité et l’imprévisibilité.


À partir de 8 ans, l’enfant peut reconnaître le suicide comme « la mort de soi-même », « se suicider signifie alors se tuer ».


Avant 8 ans, un enfant peut parler de suicide mais en n’ayant pas la même conception de la mort, le suicide est donc perçu comme la mise à mort d’une souffrance, mais sans avoir conscience que la mort est un état irréversible.


L’existence d’idées suicidaires clairement exprimées, et accompagnées de la représentation d’un mode opératoire, est compatible avec une représentation immature de la mort. Il n’est donc pas nécessaire d’avoir une compréhension exacte de la mort pour qu’émerge des idées suicidaires.


La prise en charge des enfants ayant des idées suicidaires est indispensable en vue de la prévention du risque suicidaire à l’adolescence et à l’âge adulte.


FACTEURS DE RISQUE ET FACTEURS DE PROTECTION DES COMPORTEMENTS SUICIDAIRES :


Le vécu de chacun est subjectif et singulier, ce qui rend chaque événement imprévisible dans les répercussions psychiques qu’il peut engendrer.


Toutefois, prendre en considération la souffrance d’un individu, quelque soit la situation traversée, et identifier les facteurs de risque et de protection permet de prévenir les tentatives de suicide et ses éventuelles récidives.


La vulnérabilité suicidaire n’est pas stable, elle varie dans le temps et selon les expériences de vie.


LES FACTEURS DE RISQUE :


Les facteurs de risque des comportements suicidaires relèvent de caractéristiques propres à l’enfant mais aussi à l’environnement (social, familial) qui le prédisposent aux idées noires et aux gestes suicidaires lorsque des événements viennent générer de la souffrance chez ce dernier. Il ne faut pas oublier qu’une situation qui peut vous paraître banale ou anodine, peut être très impactante pour quelqu’un d’autre car le vécu est subjectif.



Les facteurs environnementaux :

  • Difficultés scolaires /isolement social/ harcèlement.

  • Instabilité affective chez l’un des deux parents (ou des deux).

  • Pathologies psychiatriques chez l’un des deux parents (ou les deux). Les pathologies fréquemment rencontrées : alcoolisme, dépression, trouble de la personnalité.

  • Antécédents de comportements suicidaires de proches.

  • Violences intrafamiliales (victime directe ou indirecte : violences conjugales).

Les facteurs biologiques :

  • Maladie somatique chronique

  • Puberté

Les facteurs psychologiques / psychiatriques :

  • Dépression / Troubles de l’humeur / Troubles anxieux

  • Troubles du comportement (troubles des conduites et/ ou trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité : TDA/H)

  • Comportements à risque

  • Antécédents de comportements suicidaires (et/ou d’auto-agressivité)

  • Consommation de substances psychoactives

  • Événements traumatiques subis (maltraitances psychologique /physique /sexuelle ; agressions ; viols ; tentatives d’homicide ; catastrophes naturelles).

LES FACTEURS DE PROTECTION :


A l’inverse, les facteurs de protection regroupent l’ensemble des ressources (personnelles et extérieures) qui réduisent les effets des vulnérabilités et aident ainsi l’enfant à traverser des situations difficiles. Ces facteurs permettent d’atténuer suicidaire.


  • Investissement scolaire et/ou extrascolaire (activités sportives, artistiques) positif(s)

  • Relations aux pairs positives (familles, amis).

  • Système familial cohérent, stable, bienveillant, rassurant et favorisant la communication pour la résolution de problèmes.

  • Attachement sécure.

  • Bonne estime de soi (assises narcissiques solides)


Souffrance psychique et risque suicidaire :


On ne se lève pas le matin en sachant que l’on va se suicider, cela demande du temps, le sujet va entrer dans ce que l’on nomme le processus suicidaire. Ce processus n’est pas inéluctable et il est possible d’intervenir à tout moment.


LES DISTINCTIONS À FAIRE :


➔ Une personne qui a des idées de mort => elle pense souvent à la mort.

➔ Une personne qui a des tentations suicidaires => elle pense à sa propre mort, générée par un suicide.

➔ Une personne qui a des intentions suicidaires => elle pense à se donner la mort et elle imagine les moyens à mettre en oeuvre pour y parvenir.

➔ Une personne qui a un projet suicidaire pense à se donner la mort, a prévu un moment, une date précise et a les moyens d’y parvenir.


LE PROCESSUS SUICIDAIRE :

Le processus suicidaire

  • La crise suicidaire :


La crise suicidaire est une crise psychique, un moment de vulnérabilité psychique, de déstabilisation psychologique engendré par un événement qui a généré une souffrance intense.


La personne, en grande souffrance, va donc rechercher des solutions pour sortir de cet état. Elle va faire appel à ses ressources personnelles ; solliciter des ressources environnementales (ses proches, des professionnels) ; elle va exprimer ses émotions ; et surtout elle va demander de l’aide.


Crise psychosociale :

Crise psychopathologique :

Crise psychotraumatique :

  • Pertes importantes.

  • Deuils/Décès.

  • Changements.

  • Situations éprouvantes.

  • Difficultés existentielles.

  • L’événement vécu est en lien avec un trouble de la santé mentale

  • Antécédents de troubles de la santé mentale.

Évènement soudain/brutal:

  • Agression.

  • Catastrophe.

  • Accident.

  • Attentat.

  • L’état de détresse :


Certaines solutions vont se solder par des échecs. Par conséquent, les solutions envisagées vont se réduire et, les premières idées suicidaires vont faire leur apparition. Le sentiment de détresse s’installe. Dans cette phase, la personne recherche toujours de l’aide.


Si cette phase perdure, la perte de l’espoir va s’installer, la personne sera envahit par l’angoisse et va s’isoler progressivement. Le suicide est alors envisagé comme une solution majeure.


  • Le désespoir :


Cette phase correspond à la dépression grave, à l’épisode dépressif majeur.


Il y a un effondrement psychique et il n’y a plus d’appel à l’aide, on parle de symptômes silencieux. Hors, c’est au moment où il n’y a plus de plainte que le risque suicidaire est le plus grand.


La souffrance envahit tout l’espace psychique et provoque un véritable épuisement de la pensée, ainsi la personne ne parvient pas à penser des solutions pour sortir de sa situation. Le suicide devient LA seule solution pour stopper cette souffrance.


La détresse, est un état qui est exprimé clairement et a pour objet d’interpeller l’Autre, de montrer sa souffrance. A l’inverse, le désespoir est un détachement envers l’Autre et soi-même…


Dans cette dernière phase, la personne va réfléchir, élaborer et mettre en place un scénario pour passer à l’acte : c’est ce que l’on nomme la scénarisation du suicide.


NOTE : On sait aujourd’hui que si l’on prive la personne du moyen qu’elle avait choisi pour mettre fin à sa vie (ou du moins à sa souffrance), alors on rallonge le délai avant le passage à l’acte car l’appropriation d’un nouveau moyen prend du temps (ex : retrait de câbles, cordes pour une pendaison envisagée ; retrait de médicaments pour une intoxication).




















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